Le dialecte français de Toulouse
Par Matiàs Augalan
simorre@mygale.org
La prononciation
-
Accent tonique - Le français parlé dans tout le domaine
occitan connaît l'accent tonique, contrairement au français
standard. La syllabe qui dans un mot porte l'accent tonique est prononcé
à la fois plus forte et plus aigüe. En effet, au lieu du traitement
francais standard qui supprime un grand nombre de voyelles atones, en particulier
les -e finaux du feminin, ce qui a pour effet de retirer sa pertinence
à l'accent tonique en le faisant tomber systématiquement
sur la dernièr syllabe, le français influencé par
l'occitan qui a conservé ces voyelles atones a conservé l'accent
tonique. Deux exemples:
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Dans la prononciation parisienne du français, il n'y a pas de difference
entre "poil" et "poëlle". Tous deux se prononcent [pwal].
Il en va tout autrement dans la zone occitane où l'on prononce "poil"
[pwal], mais "poëlle" [pwalð].
L'accent tonique tombe sur la première syllabe (en gras),
et le caractère [ð] represente un schwa,
la voyelle atone connue partout. Marseille connaît également
le [u] et le [i] atones.
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La phrase "une petite femme a sa fenêtre" compte six syllabes
d'égale intensité à Paris:
[yn ptit fam a sa fnEtR]
alors qu'elle en a douze en zone occitane, dont six sont toniques,
et six sont atones :
[ynð pðtitð
famð a sa fðnEtRð]
La réalisation de ce schwa peut changer de région en région.
A Toulouse, elle est proche de [ø]. A Marseille, elle peut s'approcher
de [a].
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Voyelles nasalesEn francais standard, elles sont réalisées comme les voyelles
[å], [o],[æ], [ø] en faisant passer une part de l'air
expiré par le nez, ce qui donne [ã], [õ], [&etilde;]
et [&oeligtilde;]. En zone occitane, ces voyelles sont prononcées
de façon différente. Elles peuvent être soit completement
dénasalisées comme c'est souvent la cas à Marseille,
soit avoir une nasalisation moins complète, suivi d'un son nasal,
[n],[m] ou [N] (de jogging), suivant le son
qui suit, comme c'est le cas à Toulouse. On a donc à Toulouse
:
-
grand [graN], grande [grandð]
grand'père
[grampERð] (comme
l'allemand grang, grande, grampärre).
-
pin [pEN], main [mEN]
peintre
[pEntrð] (comme l'allemand
peng, meng, pentre)
-
rond [roN], ronde [rondð]
(comme l'allemand ronng, ronnde)
-
un [ëN], brun de soleil [brëndøsolEj],
un
paquet [ëmpake] (comme l'allemand öng, brönn
dößoläj, ömmpakeh]
-
On ne peut donc pas parler de voyelles nasales, mais de combinaison voyelle
+ consonne nasale. La nasalité devenant une (éventuelle)
variante de la voyelle dans le contexte de la présence d'une consonne
nasale.
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L'ouverture des voyelles - en français de la zone occitane,
l'ouverture des voyelles n'est pas commandée par l'etymologie (voyelle
latine longue ou brève) mais par la position de la voyelle dans
le mot, en particulier par rapport à l'accent tonique. Les réalisations
ouvertes de o, e et eu (notées ici ò,
E
et ë) ne peuvent exister que si la voyelle est accentuée
(le même phénomène existe en occitan) et suivie d'une
consonne. Dans tous les autres cas, la réalisation est fermée
(o, e, ø). On ouvre toutefois ces voyelles lorsu'elles sont atones
suivies d'un r et d'une autre consonne. porter, On a donc
-
o atone fermé : fossé [fose], beauté
[bote]
-
o tonique ouvert : pomme [pòmð],
porc
[pòx], rose [Ròzð],
aube
[òbð], saur [sòx]
-
o tonique fermé : uniquement en finale : rateau [Rato],
bateau
[bato]
-
e atone fermé : trépigne [txepiñð],
aigu
[egy]
-
e tonique ouvert : ferme [fERmð],
amer
[amEx]
-
tonique fermé : uniquement en finale : parler [paRle],
bourré
[buRe], paquet [pake]
-
eu atone fermé : leurrer [løRe],
peler
[pøle]
-
eu tonique ouvert : beurre [bëRð],
fleur
[flëx]
-
eu tonique fermé : uniquement en finale : parresseux [paresø],
pegueux [pegø]
On a de ce fait les alternances vocalique suivantes, que le français
standard ne connaît pas :
Mot |
réalisation parisienne |
accent occitan |
folle
folie
fête
fêter
peur
peureux
peureuse |
fòl
fòli
fEt
fEte
pëR
pëRø
pëRøz
|
fòlð (o ouvert)
foli (o fermé)
fEtð (e ouvert)
fete (e fermé)
pëR (eu ouvert)
pøRø (eu fermé)
pøRëzð
(eu
fermé, eu ouvert) |
De ce fait, il n'existe plus de paires minimales opposant un é/o/eu
fermé à un è/ò/eu ouvert. Le système
vocalique du français de la zone occitane connaît donc de
ce fait une réduction par rapport au systèm français.
Si l'on ajoûte à la disparition de l'opposition de fermeture
disparition de la nasalité comme trait opposable, le système
des phonèmes vocaliques de la zone occitane est
a / e / i / o / u / y / ö /ð
beaucoup plus simple que le système
a / ã / é / è / 'in' / i / ò / o / õ
/ u / y / ö / ë / ('un') / ð
en parisien. Les voyelles nasales et ouvertes ne sont plus qu'une variante
contextuelle de ces huit voyelles.
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Assourdissement des consonnes finales sonores - Lorsqu'un mot se
termine par une consonne sonore [b], [d], [g], [R],
[z] cette consonne s'assourdit. C'est un phénomène qui apparaît
systèmatiquement, mais dans un contexte assez rare, étant
donnée la disparition de la plupart des consonnes finales en français.
On peut citer comme exemple:
-
sud [syt], gaz [gas]
-
tous les mots se terminant en [-R], où ce phonème
est alors réalisé [x] comme la jota espagnole ou le ach-laut
allemand, au lieu du [R] uvulaire du français
standard. Par exemple porc [pòx], vert [vEx],
part [pax], tir [tix], lourd [lux],
dur [dyx],
fleur [flëx].
Ce phénomène contribue à donner une impression de
dureté au français du sud-ouest de la zone occitane. Il est
directement hérité de l'occitan où il a lieu également.
A Marseille, il est beaucoup moins fort.
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Lenition des consonnes sonores - Les consonnes sonores /b/
/d/ /g/ passent de la réalisation [b] [d] [g] plosives sonores à
des réalisations [B] [D] [G] fricatives sonores entre deux voyelles,
voire meme entre une voyelle et une consonne sonore, comme c'est le cas
en castillan. Par exemple :
-
habiller [aBije], la gare [laGaRð],
table [taBlð]
Les phonèmes /v/ et /l/ peuvent être fortement réduits,
voire supprimés entre deux phonèmes sonores, en particulier
juste avant l'accent tonique. Par exemple :
-
"Ça va ?" [ saa] salut [say], "qu'il
vienne !" [ki jEnð].
-
Un nouveau phonème : /tch/ - chappe [Sapð]
/ tchappe [tSapð]. Il est hérité
de l'occitan dans des mots comme tchuquer, ratchàs,
entchoubi
et a su integrer les mots anglais comme match,
catch, sandwich.
On observe concuremment un phénomène d'hypercorrection qui
vise à supprimer ce phonème, menant à des réalisations
non affriquées des mots anglais du type [sanwiS], [maS].
-
Il existe encore quelques restes du r occitan roulé, voire cacuminal,
et du s occitan "chuintant", comme en castillan, chez des personnes agées
(en ville) ou originaires de lieux isolés (vallées montagnardes,
causses, etc ...). Ces personnes peuvent également connaître
la réalisation en [ts] des groupes /ks/ et /ps/. Par exemple action
[atsjòN] reception [resetsjòN].
Syntaxe
A terminer
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Prépositions changeantes -"avoir peur à", "sentir
à", "manquer à", "risquer à"
-
Que causal - "Mets une veste, que tu vas atrapper froid."
-
Datif personel en a - Tu l'as vu à mon frère ? vs
Tu l'as vue ma maison ?
-
Prolepses fréquentes - Le chien, il arrête pas d'aboyer.
Lexique
Vocabulaire toulousain de survie.